Troisième Groupe période Post-seconde guerre mondiale et l'arrivée des premiers rapatriés d'Indochine
Renée Genest

Cette arrivée s’est échelonnée de fin 1955 à juin 1966.
Personnellement, par mutation, je suis arrivée à Noyant le 1er avril 1957. Je n’ai donc pas été témoin des arrivées massives, des familles venues par bateau à Marseille, puis par train jusqu’à Moulins.
Historique local
Le département de l’Allier avait trois communes d’accueil : Châtillon, Saint-Hilaire, Noyant.
Cet accueil était possible en raison des logements vacants depuis la fermeture des mines de charbon et propriété des Domaines.
Noyant disposait d’un nombre de locaux plus importants avec les corons et les locaux (exbureaux de la mine) susceptibles d’abriter l’encadrement d’accueil.
Encadrement d’accueil
Il était composé par des fonctionnaires arrivés d’Indochine, sauf les ouvriers d’entretien
recrutés sur place (un maçon, un plâtrier qui étaient deux anciens mineurs).
Il faut noter la présence d’une infirmière disponible 24h/24.
Jour d’arrivée à Noyant
Je souhaite évoquer le jour d’arrivée à Noyant. Ce choix peut paraître banal, mais pour des personnes déracinées, ayant perdu famille, emploi, pays natal, climat, parlant peu ou pas la langue française, venant de centre d’accueil à vie collective, ces personnes allaient retrouver à Noyant un lieu personnel de vie et leur autonomie. Certes, les corons n’étaient pas luxueux, mais ils apportaient une autonomie, un nouveau départ de vie.
Les logements étaient tous semblables : une cuisine, deux chambres, un grenier, un jardinet,
pas de sanitaire et pas d’eau courante. Il ne faut pas s’indigner car, à cette époque, mineurs retraités, Noyantais, paysans, tous vivaient ainsi. Nous sommes en 1955. Noyant a même obtenu une priorité dans le programme départemental d’installation de l’eau courante en zone rurale.
Le logement était propre. L’équipement était sommaire, calculé suivant le nombre de
personnes. Le chauffage se faisait avec des poêles à charbon.
Le fonctionnement des poêles et les puits d’eau potable restent encore aujourd’hui sujets d’anecdotes et de souvenirs avec les anciens mineurs.
Revenons au premier jour. Arrivé de Paris en car (trajet assuré par des véhicules de la Croix- Rouge), le groupe prenait un repas au restaurant du bourg (Ramillon), puis était conduit dans"son coron".
Dès l’après-midi Le chef de famille venait au centre d’accueil administratif (actuelle poste). Il recevait un pécule calculé au nombre de personnes (c’est une indemnité spécifique aux rapatriés).
Les services complétaient avec lui les dossiers :
- d’allocations familiales,
- d’aide médicale (pour celle-ci, je précise que la charge en incombait à l’Etat et non à la commune, idée reçue et très souvent véhiculée par les Noyantais),
- d’orientation scolaire (primaire, secondaire, professionnelle). Pour la scolarité secondaire, l’internat, à Moulins ou plus loin, était la seule solution. Les cars de ramassage scolaire sont beaucoup plus récents.
Il recevait aussi :
- un vestiaire, surtout en hiver (chaussures et vêtements chauds neufs), est fourni ;
- un questionnaire et entretien pour le reclassement professionnel.

L’assistante sociale rendait une visite au domicile ce même après-midi dans le but de faire un bilan de santé (malade, handicap, grossesse, etc.) et de connaissance de la langue française.
Il y avait également une évaluation ouverte à tous problèmes.
Dès cette fin de premier jour, la famille était chez elle avec, je le souhaite, un sentiment de sécurité, d’accueil, voire d’amitié. En effet, les voisins, ex-mineurs n’étaient pas si indifférents.
Pour mémoire, ils aidaient au fonctionnement du poêle, à la façon de puiser l’eau et faisaient cadeau de légumes.
Bien entendu, rien n’était réglé, mais une voie était ouverte.
Grosses difficultés
L’expression
Pour ce qui était de l’expression, les rapatriés avaient la nationalité française, mais étaient d’ethnies diverses, voire de castes, et connaissaient peu ou pas la langue française. Ils avaient des difficultés pour les échanges verbaux. Une classe d’apprentissage du français a fonctionné dans le local des pompiers avec un enseignant de l’Education nationale et un interprète.
Sanitaire
Les soins par le médecin généraliste local étaient gratuits. Pour les grossesses, le suivi se
faisait à Moulins. Le transport était assuré par le service d’accueil. Pour les nourrissons, il y avait une consultation hebdomadaire au coron N° 10 et la fourniture de layette.
Reclassement professionnel
L’ANPE (actuellement Pôle emploi) a ouvert une antenne à Noyant, surtout pour la formation professionnelle.
Service social à Paris : deux assistantes sociales chargées des recherches d’embauche
- dans les administrations (ministères, musées, postes)
- dans l’armée (Varennes, Moulins, Lyon). L’armée a vite mis en place un bus de ramassage.
Ces reclassements professionnels sont réalisés loin de Noyant car notre région présentait peu de possibilité de travail. Le chef de famille reçoit au départ un bon de transport et bénéficie d’un hébergement (surtout à Paris). Mais cet éclatement familial aura quelquefois des conséquences (divorces, abandons). Les services des rapatriés ont cependant travaillé au regroupement des familles (subvention auprès des HLM de la région parisienne).
Actions diverses
Foyer de la Garenne. Réalisation d’un espace ouvert aux jeunes, réalisé en collaboration
avec le Secours catholique et la CIMADE (organisation protestante). Des éducateurs résidents assuraient le fonctionnement. Ultérieurement, la Sauvegarde de l’enfance a pris le relais. Plus tard, ce foyer devenant vétuste sera transféré dans les locaux de l’ancienne école privée des filles.
Douches. Un bâtiment de douches publiques a été construit par le service d’accueil.
Arbres de Noël.
Médaille de la famille française remise en préfecture ou en mairie.
Je me suis éloignée du jour d’arrivée à Noyant, mais les éléments sont restés.
Noyant a été témoin d’un drame humain vécu par environ quatre mille personnes passées par le Bourbonnais et je témoigne de l’immense dignité dont a fait preuve l’ensemble des Asiatiques, Indochinois ou Indiens, Français rapatriés d’Indochine pendant les années allant de 1955 à 1966.
Plus tard, Noyant verra l’arrivée des réfugiés du Sud-Est asiatique.


témoignage anonyme

Je suis venue m’installer à Noyant après mon mariage, en 1946, et déjà les Polonais étaient là, venus travailler à la mine. Nous étions en contact avec une famille en particulier qui nous racontait être venue pour un an. Au terme de cette première année, ayant gagné quelque argent, elle a décidé de rester encore un peu et, finalement, s’est installée définitivement. J’ai donc eu contact avec cette population "étrangère" dès mon arrivée à Noyant.
Lorsque, fin octobre 1955, les premiers rapatriés sont arrivés, je me souviens que notre curé, M. l’abbé Benet a lancé un appel en chaire pour aider, notamment matériellement, cette population déracinée et frileuse puisque venant d’un pays au climat plus clément. Il faut dire que nous commencions un hiver particulièrement rigoureux et que les corons n’avaient pas été habités depuis environ dix ans suite à la fermeture de la mine.
J’étais maman de cinq enfants, de 9 ans à 1 an, nous vivions avec mes beaux-parents, tous les deux de santé précaire, et un oncle. La période de la guerre était encore très présente dans notre façon de vivre. Nous n’avions pas de confort, pas de gros moyens et juste le nécessaire pour faire vivre notre grande famille ; les vêtements se passaient de frère en soeur, du premier au dernier. Je me souviens avoir donné quelques couvertures et édredons et j’aurais tant voulu donner davantage !
C’est indéniable que la physionomie de Noyant a littéralement évolué. La population
noyantaise a doublé en nombre et nous nous demandions comment nous pourrions tous
cohabiter avec nos cultures tellement différentes.
Quel changement dans notre quotidien !
Dès les premiers beaux jours, l’accès au bourg de Noyant devenait un périple, toute la
population des corons semblait être rassemblée sur la route, il fallait se frayer un passage.
Dans tous nos coins de campagne, on retrouvait les enfants en train de cueillir des fruits
souvent avant maturité, nous n’étions pas vraiment habitués à tout cela. Etant à la campagne,
j’allais vendre mes produits au marché. Il a fallu aussi s’adapter à leur façon de consommer (oeufs, volailles vivantes, notamment).
À l’école, cela a été une grande révolution, il y a eu dix-sept classes avec plus d’élèves de familles rapatriées que de noyantaises d’origine. Au début, nous avons un peu douté de l’efficacité de la scolarité pour nos "têtes blondes" au milieu de tous ces enfants "différents".
Avec du recul, nous pouvons dire qu’ils ont réussi comme les autres et, de plus, ils ont eu la grande chance de grandir avec ces enfants venus d’ailleurs. De véritables amitiés ont vu le jour et vivent encore aujourd’hui. Quelle richesse !




Claude Desfougères

La Cité de l’enfance
À mon arrivée comme maire en 1981, j’ai été frappé par le grand nombre d’enfants dont les trois quarts étaient d’origine vietnamienne.
L’abbé Tacques, curé de la paroisse, a créé, avec l’aide de la Sauvegarde de l’enfance, la Cité de l’enfance avec comme directrice Mlle Tourtiol. La Cité était ouverte tous les mercredis sur les terrains de jeux existants. Pendant les vacances d’été, un camp était organisé au Donjon pour le plus grand plaisir de tout le monde.
Jubilé de l’abbé Tacques
Le jubilé a été célébré en 1987 par Monseigneur Quelen. La présence de certains moines bouddhistes à la messe a surpris beaucoup de personnes, dont Mgr Quelen. À la fin de la cérémonie, les bouddhistes ont remis à l’abbé Tacques un très beau tableau d’une Vierge à l’enfant. La cérémonie terminée, le maire a invité tout le monde à la salle des fêtes pour un vin d’honneur.
Légion d’honneur
L’abbé Tacques a été décoré de la Légion d’honneur en 1995 par M. Dériot, président du Conseil général. Au cours du vin d’honneur, Mlle Denise Giraud, gouvernante de l’abbé Tacques, a été décorée de la médaille départementale. M. Dériot s’est mis à fouiller dans ses poches avec vigueur et, ne trouvant pas la médaille, a déclaré : « Je vous décore de la médaille virtuelle. » Le président Dériot, invité par M. le curé et par Mlle Giraud, est venu lui remettre la fameuse médaille en mains propres.
La médaille de la famille française
La tradition a été établie par M. Gournichon, ancien maire, de proposer un certain nombre de familles pour être décorées de la médaille de la famille française (or, argent et bronze), selon les critères exigés par l’UDAF. En 1981, la tradition s’est poursuivie. Huit à dix familles étaient concernées.
Inauguration de la pagode
À la demande de la communauté bouddhiste, les représentants de cette association ont
demandé à être reçus par M. le maire. Suite à cette réunion, le Conseil municipal a été réuni par M. le maire et a décidé d’attribuer un terrain appartenant à la commune, situé au milieu des corons, le long de la voie ferrée. Le financement de cette pagode a été effectué par les dons des bouddhistes de France et de l’étranger et par des subventions exceptionnelles accordées par le Conseil général. Les travaux ont duré de 1983 à 1985. L’inauguration a été accueillie avec tolérance et joie par tous les habitants de Noyant.
Ecole des "Mémés"
M. le maire et quelques personnes, s’étant aperçues de la difficulté des personnes âgées
vietnamiennes pour parler et écrire en français, ont décidé de créer une école. Leurs marisétant décédés, ces femmes avaient d’énormes difficultés pour s’exprimer en français pour le quotidien : médecin, assistante sociale, etc. Chaque fin de classe était suivie d’un repas léger confectionné par des bénévoles dans une ambiance de gaieté. En fin d’année, une remise des prix avait lieu. Pour la personne la plus gaie, la plus sage et la plus dissipée. Les lots étaient composés de sucettes et de bonbons. J’ai été surpris et heureux de la capacité de ces personnes à apprendre à se débrouiller. Je remercie Mme Thomas et les bénévoles de leur aide.
Monseigneur Barbarin
Mgr Barbarin a été nommé évêque de l’Allier. Il s’est engagé à visiter les communes de son diocèse. Aussi, nous l’avons accueilli à Noyant pour célébrer la messe. Un vin d’honneur a été offert à la salle des fêtes. Au cours du vin d’honneur, M. le maire et Mgr Barbarin ont échangé des propos forts courtois. Suite au vin d’honneur, un repas a été organisé à la salle des fêtes.
Etaient présents le Conseil municipal et quelques personnes lorsque, soudain, Mgr Barbarin a disparu sous la table à quatre pattes pour ramasser le sac à main que Mlle Giraud venait de laisser échapper. Il le lui a aussitôt remis. L’aller-retour fut effectué dans un temps record sous la table.
Acquisition de la mine
L’abbé Tacques m’avait invité à déjeuner dans le but de rencontrer le dernier ingénieur des Mines de Noyant qui voulait s’entretenir avec moi d’un projet de création d’un Musée de la mine. Cette demande m’a paru intéressante et je l’ai soumise au Conseil municipal. Ce dernier a donné son accord pour la création de ce musée qui permettait également un rapprochement de la cité des corons et du bourg de Noyant en débroussaillant cette grande surface. Le matériel, permettant de rouvrir ce carreau de la mine, a été rapatrié d’un certain nombre de mines. Le musée a été fondé en 1987.



Aline Colas

Je suis native de Meillers, petite commune située à 5 km de Noyant que j’ai toujours fréquenté depuis mon enfance. Etant donné que Meillers n’avait pas beaucoup de commerces – à part deux épiceries et trois bistrots, dont un faisait bureau de tabac, un bureau de poste où j’ai fait le remplacement du facteur en vélo pendant deux ans – quand je me suis mariée, j’ai donné ma démission vu que j’allais habiter à Noyant.
Noyant, c’était un peu notre capitale. Il y avait un docteur, une pharmacie, trois boucheries charcuteries, un Casino, quatre épiceries, un bureau de tabac, un cordonnier, un coiffeur pour hommes, un sabotier, trois couturières, un tailleur pour hommes, un garagiste, un magasin de journaux, un bazar-quincaillerie avec un choix énorme de produits tels que bassines, lessiveuses, balais, grillage, vaisselle, verres, clous… Dans le magasin de journaux, il y avait montres, bijoux, couronnes mortuaires, cannes à pêche, ménagères, ampoules… Il y avaitégalement des artisans : maçon, plâtrier, maréchal-ferrant et un magasin de vêtements.
Nous n’avions pas besoin d’aller à Moulins puisque nous avions plein de choses sur place, et même des services de car ainsi que le train pour aller à Souvigny ou à Moulins. La gare SNCF
a fermé en 1974. Il y avait aussi une salle des fêtes avec salle de cinéma.
Noyant bougeait beaucoup avec les familles des mineurs. Tous les mercredis, il y avait le
marché. C’était fabuleux… Sur la place, le garde champêtre installait les bancs pour que les fermières posent leurs paniers d’oeufs, beurre, fromages et fruits, quand c’était la saison bien sûr. Devant les bancs, elles posaient à même le sol volailles, poulets, canards, lapins et pigeons. Des jardiniers de la campagne, bien approvisionnés dans leur jardin, apportaient, suivant la saison, des légumes, des fruits ou des fleurs. Mes parents faisaient eux aussi le marché. Maman vendait du beurre, de la crème, des oeufs, du lait ainsi que des fromages de différentes sortes : égouttés, frais ou secs. Au printemps, Papa cueillait des cerises et les mettait dans des corbeilles en osier. Ca se vendait très bien, surtout quand les mineurs avaient touché la paie. Etant donné que les familles étaient nombreuses, il fallait bien nourrir toutes les bouches.
Les mineurs finissaient leur journée assez tôt quand ils travaillaient de nuit. La journée, ils
allaient, pères et enfants, ramasser les pommes de terre chez les paysans. Ils étaient payés avec ces pommes de terre et ils s’en servaient pour nourrir leur famille. L’hiver, ils allaient ramasser les topinambours, nourriture utilisée pour engraisser les animaux tels que les boeufs et les vaches destinées à l’abattoir, également situé à Noyant.
Pour en revenir au marché sur la place, il y avait toujours foule et les marchands ambulants installaient leur stand. Il y avait un primeur, parfois deux, un marchand de poissons, un boucher, un marchand de vêtements de travail, de tissus, pulls… Une fois par mois, un grand stand de draps, serviettes de toilette, couvertures… s’installait. Il venait de la Creuse. Il y avait aussi le Bazar à 100 francs, c’était le nom.
Le jour où la mine a fermé, tout s’est réduit. Ce n’était plus le beau marché que nous avions connu.
À l’arrivée des rapatriés d’Indochine, le marché a repris vie, mais ce n’était plus les mêmes clients. La volaille était encore appréciée, mais les produits laitiers n’avaient plus le même succès qu’au temps des mineurs. Ils consommaient beaucoup de volailles. Alors, le vendredi, ils prenaient la micheline pour aller faire leur marché à Moulins car, là-bas, il y avait, sous le marché couvert comme il se nommait, un marché bien achalandé et on pouvait marchander et faire baisser les prix, surtout en fin de marché. Comme les fermières n’avaient pas vendu les volailles, les volaillers tournaient les talons et laissaient la marchandise à son propriétaire. La personne qui ne voulait pas ramener ses volailles les donnait au plus offrant car les fermières avaient des enfants à habiller et, avec l’argent récolté, elles faisaient leurs achats. C’était folklorique au retour en gare de Noyant, les volailles attachées par les pattes avec de la ficelle ou des morceaux de chiffon. Les gens débarquaient avec les bras chargés de volailles et de paquets.

Moi-même, pour remplacer Maman quand elle était malade, je faisais le marché et, paraît-il que quand c’était moi qui faisais le beurre, il était moins bon. C’est ce que les clients disaient quand Maman revenait.
J’ai connu Noyant très jeune. À 15 ans, je suis allé à l’École ménagère qui était dans
l’ancienne école de garçons des Frères, route de Châtillon, en-dessous du presbytère. Jeune fille, je venais au cinéma le samedi soir et aussi aux fêtes foraines. La fête de Printemps était le troisième dimanche de mai avec des manèges et des parquets-salons pour le bal. Si les mineurs avaient touché la paie, les forains ne pouvaient que s’en réjouir. Elle durait deux jours. C’était bon pour le commerce.
Chaque année, il y avait la "loue", les 11 mai et 11 novembre. C'est-à-dire que les hommes et les femmes se louaient pour six mois ou un an dans les fermes ou encore chez les ingénieurs de la mine, au château, chez le docteur… Le 11 mai, fleur à la boutonnière, chacun cherchait un patron. Une somme était allouée si le gars était intéressé et, si accord conclu, il recevait une somme d’argent qui se nommait : "recevoir une pièce". Au 11 novembre, à la Saint-Martin, patron de Noyant, même engagement. C’était également la fête au village avec bals dans les salles de bistrot et parquet-salon. Prix de l’entrée : 1 franc par personne et, pour les moins de 15 ans, 0,50 franc. Tout cela est aboli.
Les Vietnamiens fréquentaient peu ou pas les bals du village. L’arrivée des Vietnamiens en hiver 1956-1957 fut un événement pour les habitants de Noyant. Nous, les jeunes, n’avons pas eu de problème, mais les gens âgés étaient moins tolérants. Quand les jeunes chapardaient les fruits, c’était mal considéré. Les enfants vietnamiens aimaient beaucoup les fruits verts et surtout les prunes. Je me souviens d’un grand-père qui avait un prunier bien garni, pas loin des corons. Les jeunes l’avaient découvert. Alors un soir, à la tombée de la nuit, les jeunes sont venus manger les prunes vertes. Le grand-père s’en est aperçu. Le lendemain, de colère, il prit la scie et coupa le prunier. Comme ça, l’histoire était réglée.
Autre anecdote au sujet des prunes. Une année, une de mes filles était en colonie de
vacances avec une petite Vietnamienne. La journée de visite des parents était le 15 août. Ma fille m’a écrit en me disant : « Maman, apporte-moi des prunes, ça me ferait plaisir et apportes en des vertes pour Brigitte car elle adore cela. »
Les jeunes Vietnamiens venaient au bal et nous faisaient danser. Cela intriguait quelques
personnes. Nous avons reçu des familles à notre table, dont une famille de neuf enfants avec laquelle nous étions amis. Eux aussi nous recevaient chez eux. Plus tard, quand les jeunes se sont mariés, nous avons été invités au mariage, même que les mariés ont couché chez nous dans la grange. Nous avons de cela que de bons souvenirs. Mes enfants ont toujours fréquenté l’école avec les Vietnamiens avec lesquels nous avons gardé d’excellents rapports.
En 2006, nous avons fêté le cinquantenaire de leur arrivée avec l’aide de toutes les
associations. Que de souvenirs émouvants ! Les retrouvailles ont été magiques ! Il y a eu de la joie et des larmes.
Il y avait des associations bien sûr : football, comité des fêtes, tennis.
La population de Noyant vieillit alors qu’en 1956-1957, il y avait neuf cents enfants de 1 an à 20 ans. Le village était florissant puisque de cinq classes existantes, il y en a eu par la suite dixsept. Il a fallu chercher des appartements pour loger les enseignants. Il y a eu aussi un centre d’accueil pour les jeunes avec des jeux. Le Père Tacques, curé du village en a été le fondateur.
Les enfants grandissant sont partis dans d’autres écoles et lycées et reviennent au pays au moment des vacances et des fêtes.
Actuellement, il y a toujours le marché le mercredi, mais plus de forains, plus de primeurs, plus de produits de la ferme ! Il y a seulement un camion réfrigéré dans lequel on trouve de la viande, de la charcuterie, des fruits, fromages et oeufs… Quatre à cinq fois dans l’année, un horticulteur vient vendre des fleurs au printemps et, à la Toussaint, des chrysanthèmes.
Nos associations font leur possible pour maintenir des activités : Comité des fêtes, Village vivant, Pompiers, Les Amis de la mine. Actuellement, je suis retraitée agricole depuis treize ans. Je n’ai pas vu passer le temps. Mon époux et moi-même avons oeuvré pendant des années pour le maintien de la mine avec beaucoup de soucis. La mine a ouvert au public le 14 juillet 1994. Mon époux en fait partie depuis 1988, quand il était conseiller municipal, et moi même depuis 1998. Nous avons mis beaucoup de notre temps et de notre énergie dans notre association, mais nous ne regrettons rien. Nous l’avons tenue à bout de bras pour que cette mine continue à vivre, d’abord en souvenir des mineurs et de leurs familles, ensuite pour que notre village ne meure pas.
Dans ma famille, j’ai eu un oncle seulement qui a travaillé à la mine à Saint-Hilaire en 1859.
Evidemment, je ne l’ai pas connu, je n’étais pas née. C’était un frère de mon grand-père
paternel. Sa profession était dénommée ouvrier-mineur. Son patron se nommait de
Rochetaillée. Sur son carnet d’ouvrier que j’ai en ma possession, j’ai lu : « Ne sait pas signer ».
Donc, il ne savait pas écrire.
Actuellement, nous essayons de faire revivre cette mine en faisant des portes ouvertes, des petits spectacles, des saynètes, des expositions et la fête des mineurs le 1er mai. Quand je vois que le bâtiment se dégrade à la vitesse grand V, j’ai envie de pleurer.
Aujourd’hui, 19 mai, cela fait cinquante-quatre ans et un moiset un mois que j’habite Noyant.

HOMMAGE AUX MINEURS
Comme Papa, je descendais à la mine,
Comme Papa, j’ai été à la mine,
Comme Papa, j’ai été heureux,
Brave homme, j’ai un grand coeur,
Et brave homme, j’ai été mineur.


Harry Erkens

Les réfugiés politiques
Tout au début de mon allocution, il a bien été précisé que les rapatriés d’Indochine étaient des Français de par le père, pour la plupart ancien militaires, et qu’ils regagnaient leur patrie : la France.
Les réfugiés étaient ce qu’on appelle les boat people, les réfugiés du Sud-Est asiatique, des réfugiés politiques. Les conditions d’accueil n’ont pas été les mêmes. L’époque n’était pas la même qu’en 1956 non plus. Toute une organisation avait été mise en place pour leur trouver du travail. Dans cette attente, certaines bonnes volontés qui s’occupaient d’eux ont pensé à la culture des pommes de terre qui les aiderait à se nourrir. Ce fut un échec total. Evidemment, le travail en collectivité ressemblait à celui qu’ils avaient connu sous le régime communiste qu’ils avaient fui.
Toutefois, une famille a été l’exception et elle est d’ailleurs restée à Noyant. Le père
Chhe Key, après une formation de bûcheron, a eu une carrière remarquable et, par ses
capacités, son agilité et sa gentillesse, a su acquérir l’estime de la population. L’Office des eaux et forêts a eu fréquemment recours à ses services. Malheureusement, un accident mortel, la chute d’un arbre, l’a cruellement enlevé à sa famille. La population a répondu nombreuse à une cérémonie très émouvante sur les lieux de l’accident, en forêt de Grosbois.
D’autre part, j’ai évoqué des souvenirs par rapport au curé de la paroisse et de l’église car j’ai pensé que je serais peut-être seul à le faire. Chacun a témoigné de ce qui l’a marqué.
Le Père Tacques s’est chargé de la paroisse de Noyant de 1969 à environ 1990. Pendant trente ans, il a marqué de son empreinte la Cité des jeunes où il accueillait tous les jeunes, sans distinction, sans leur demander ou les obliger à aller au catéchisme ou à la messe.
La Cité des jeunes
La Cité des jeunes était ce que l’on appelle maintenant un centre de loisirs. Les jeunes y
trouvaient un lieu pour se rencontrer, des jeux et la possibilité d’aller en camp, à Contresol, pendant les vacances. Il a été épaulé dans son oeuvre par des moniteurs de la Sauvegarde de l’enfance. Par cette organisation, avec l’aide de l’assistante sociale et du Père Tacques, beaucoup de jeunes ont eu la chance de retrouver le droit chemin et d’éviter des dérives.
Un bel hommage lui a été rendu par la municipalité de Noyant en donnant au centre de loisirs actuel le nom de Centre de loisirs Jacques Tacques. Une belle reconnaissance pour celui qui s’est occupé pendant trente ans des jeunes de Noyant. Le souvenir de l’abbé Tacques reste présent dans le coeur de beaucoup de ces anciens jeunes qui se sont élevés à Noyant.
La fête du Têt
Pour la fête du Têt, j’ai dit : « On vendait des pétards ». Mais ce n’était pas seulement que« on vendait des pétards ». La fête du Têt, pour cette communauté d’origine vietnamienne, a toujours été un événement important et toujours célébrée avec des pétards. C’était la tradition.
Pourtant, c’est également une fête à laquelle participaient les Noyantais au cours du repas servi à la salle des fêtes, après le spectacle et la Danse du Dragon. C’était une ambiance formidable et chaleureuse.